Le biais de confirmation dans les jeux vidéo

de | 9 juin 2017

Si vous jouez pour progresser, faire une analyse de vos parties est presque un réflexe. Que l’analyse soit poussée ou non, vous voulez découvrir vos erreurs pour ensuite les corriger. Malheureusement, toutes les personnes que j’ai suivies et qui ont ce réflexe d’analyser leurs parties commettent aussi une erreur qui les empêche tout simplement de progresser. A cause de cette erreur, ils se trompent sur la source de leurs erreurs, se mettent à corriger les symptômes de l’erreur plutôt que de se débarrasser de la cause racine de leurs problèmes. Concrètement dans leur jeu, cela se traduit par une très légère amélioration de leurs résultats pour une quantité folle d’énergie dépensée. Imaginez-vous sur un bateau qui prend l’eau suite à des dégâts : au lieu de boucher le(s) trou(s) et écoper l’eau, vous vous contentez seulement d’écoper l’eau, vous n’avez aucune chance de vous en sortir. En dehors du jeu, les effets sont immédiats sur le joueur, il fatigue très vite, se décourage, certains commencent même à se dire que finalement, cette activité n’est pas faite pour eux, voire même qu’elle est réservée à une certaine élite. Mentalement, c’est très difficile à gérer. Imaginez dépenser une quantité d’énergie (des heures et des heures) de jeu à vous entraîner, à vous perfectionner pour arriver à la conclusion que vous n’êtes juste pas fait pour cela.

Heureusement, ce constat est totalement faux. Quand j’explique à mes élèves, pourquoi ils pensent cela et pourquoi ils se trompent, ils restent très dubitatifs. Ils ne sont pas convaincus, car l’erreur qu’ils commettent les empêche tout simplement de remettre leur théorie en question. C’est un piège dans lequel de nombreux joueurs de jeux vidéo tombent, car c’est un réflexe de la part de notre cerveau de penser comme il le fait. En leur montrant concrètement leurs erreurs grâce à des indicateurs clés de performance, ils réalisent tout de suite leurs erreurs et tout commence à redevenir normal, à avoir un sens encore une fois. Ils se retrouvent soulagés que le problème ne vient pas vraiment de leurs performances et comprennent qu’ils sont tombés dans un piège aux effets dévastateurs. Une fois que ce piège est signalé, ils ne retombent plus dedans, mais cela leur demandera tout de même un effort à chaque fois qu’ils se remettront en question. La course au classement reprend, leur morale est au beau fixe et ils réalisent avec étonnement comment le fait de cibler correctement l’erreur permet de s’en débarrasser extrêmement rapidement. Evidemment, cette erreur se produit aussi hors de la sphère vidéoludique, l’astuce que je vous donne ici vous permettra donc de résoudre bien des problèmes.

Une préférence de notre cerveau qui a des conséquences extrêmement néfastes dans notre capacité d’analyse

Le cerveau humain déteste perdre sept fois plus qu’il n’aime gagner. En clair, quand vous réalisez une mauvaise action, vous devrez réaliser sept bonnes actions pour compenser et revenir à votre état mental initial. Cela a des conséquences assez dévastatrices sur beaucoup de choses. Par exemple, le cerveau (et aussi vous donc) adore avoir raison et déteste aussi sept fois plus avoir tort. Par extension, dans les jeux vidéo, vous aurez tendance à ne pas vous remettre en question face à un échec et cela vous demandera un réel effort d’écraser ce réflexe pour le remplacer par une analyse objective.

Combinez ce réflexe avec la concentration sur la menace et vous obtiendrez l’énorme erreur dont je vais vous parler ici, le biais de confirmation. La concentration sur la menace fera en sorte que vous mettrez toute votre attention sur les éléments nouveaux et dont les effets sont les plus visibles (ostentatoires) pour expliquer votre défaite. Le fait de vouloir avoir raison vous poussera à croire que ce sont effectivement les éléments nouveaux qui forment la cause principale de votre échec et surtout cela vous poussera à ne surtout pas regarder les autres causes possibles. La combinaison des deux viendra former le biais de confirmation et parasitera, à partir de maintenant, toutes les tentatives d’analyses que vous ferez. Cela va même plus loin, à force de faire des analyses parasitées, vous commencerez à développer la conviction, la certitude, que vous êtes dans le vrai et vous refuserez catégoriquement d’explorer d’autres options, sauf si l’on ne vous en donne pas le choix (dans le cadre d’un coaching par exemple).

Un exemple simple qui vous permettra d’entrevoir les effets du biais de la confirmation (REPONSE ICI)

Biais de confirmation, le jeu des 4 cartes (Wason 4-card selection problem)

Ne lisez pas la suite tant que vous n’aurez pas fait votre choix parmi les 8 propositions (A-H).

Dans l’étude du psychologue cognitiviste Peter Cathcart Wason, 60% des interrogés avaient choisi la réponse E (retourner la carte F et 7). Seulement 5% des interrogés avaient choisi la réponse F (retourner F et 4), qui est la bonne réponse. La méthode de raisonnement qui permet d’arriver au bon résultat est extrêmement contre-intuitive et je vais alors vous expliquer pourquoi cette réponse F.

La méthode en question consiste à trouver des exemples pour lesquels la règle est incorrecte plutôt que de faire des choix dont le but est de valider la règle énoncée.

  1. Si vous retournez la carte « F » et qu’il y a un nombre pair sur l’autre face, la règle ne sera pas valide. Il vous faut donc tourner cette carte.
  2. La carte « I » maintenant, la règle ne stipule rien sur les cartes portant une voyelle, elle n’a donc aucun intérêt.
  3. La carte « 4 », s’il y a une consonne sur l’autre face, la règle sera fausse. Il faut donc aussi retourner cette carte.
  4. La carte « 7 ». S’il y avait une voyelle par exemple, vous pourriez penser que cela rendrait l’affirmation fausse, or ce n’est pas le cas. « Si X, alors Y » ne veut pas dire la réciproque « si Y, alors X ». « S’il y a une consonne, cela implique un chiffre impair » n’implique pas « S’il y a un chiffre impair, il y a obligatoirement une consonne ». De même, « s’il pleut, il y a de l’eau » n’implique pas « s’il y a de l’eau, c’est qu’il pleut ».

Le biais de confirmation dans les jeux vidéo

Dans les jeux vidéo, les effets sont nettement plus trompeurs. Aucune règle n’est aussi simple que dans l’exemple précédent. Votre biais de confirmation va être du type « si mon adversaire a réussi à faire la différence et à gagner, c’est parce qu’il a utilisé X et Y ». X et Y étant, comme je l’ai dit précédemment, des éléments nouveaux et qui attirent l’œil par leur côté spectaculaire. En souffrant du biais de confirmation, quand ces éléments apparaîtront, vous allez les reconnaître instantanément et essayez de lutter contre ces éléments X et Y plutôt que d’essayer de trouver la véritable cause de vos échecs. Ce biais représente une double peine : d’abord vous vous trompez, mais parce que vous reconnaissez les signes (cela vous donne l’illusion que vous apprenez quelque chose, que votre sens du jeu se développe), vous êtes convaincu que vous avez raison.

Une méthode efficace pour s’en débarrasser, mais qui demande de lutter contre ses instincts

Ici, la méthode consistera, elle-aussi, à aller chercher des éléments montrant que votre affirmation est fausse. Vous allez vérifier à l’aide de mesures extrêmement concrètes, si les éléments de base de votre jeu sont toujours solides dans les parties où votre adversaire a utilisé les méthodes X et Y. Sur Starcraft II, c’est la quantité de collecteurs que vous allez vérifier, le nombre de bases par rapport à votre adversaire. Dans les jeux comme Overwatch, c’est votre placement, vos règles d’engagement élémentaires que vous allez vérifier (qui est la cible principale, quel est mon rôle dans l’équipe,etc). En clair, vérifier que la base est solide, surtout dans les moments où vous faites l’hypothèse que l’erreur ne vient pas de là.

Défi

En quoi votre adversaire vous est-il supérieur selon vous? Qu’est-ce qui lui donne l’avantage? Appliquez la méthode pour mettre à l’épreuve les affirmations qui découlent des deux questions que je viens de vous poser. Vérifier les éléments de base de votre jeu vidéo à l’aide de mesures extrêmement précises et concrètes. Cherchez à démontrer que la règle est fausse plutôt que d’abonder dans son sens. Vous serez surpris par les résultats, mais cela vous demandera un grand effort. Heureusement, la récompense est énorme et en vaut largement la chandelle.

2 réflexions au sujet de « Le biais de confirmation dans les jeux vidéo »

  1. Anthony fontaine

    Je ne suis pas d’accord avec le test.
    “Si X, alors Y” ne veut pas dire la réciproque “si Y, alors X » ne peux pas s’appliquer avec cette règle. Car de la façon qu’elle est formulé la réciproque est vraie. Il aurais fallu dire: « s’il y a une consonne du côté visible alors il y a un chiffre impair du côté invisible ».
    Dans la règle du test on parle simplement de « côté » sans spécifier lequel, cela insinue que la réciproque est aussi vraie.

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    1. Joseph Nguyen Auteur de l’article

      Salut Anthony,

      Merci beaucoup pour ce commentaire.

      Tu illustres parfaitement le biais de confirmation. La réalité c’est qu’il y a autant de raison de pencher d’un côté que de l’autre. Tu as choisi le côté « la réciproque doit être vraie ». Or si tu veux être sûre d’avoir raison, tu dois choisir l’option qui te permet justement de vérifier que tu n’as pas tort et non pas vérifier que tu as raison.

      Car si tu choisis l’option « la réciproque est vraie » et que tu choisis l’option te permettant de vérifier que tu avais raison, tu ne feras que te conforter dans quelque chose qui est peut-être faux.

      Typiquement, un policier qui subit le biais de confirmation sera un très mauvais enquêteur. Parce qu’il est persuadé que la personne est coupable, il mènera son enquête dans le but de prouver que la personne est coupable. De ce fait, il négligera totalement la possibilité, les preuves, que la personne n’est pas coupable.

      J’espère que mon explication t’a permis de mieux comprendre le but du test et la façon dont il fallait le prendre.

      Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas de mal, cet article est loin d’être parfait. N’hésite pas à trouver d’autres exemples qui te parleront sûrement mieux que celui-là.

      En tout cas, je tiens à te remercier pour ton commentaire et pour m’avoir expliqué comment tu avais compris le test.

      Pour être honnête, j’ai justement pensé la même chose que toi xD.

      Cordialement,

      Répondre

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